Avril 2020

— Edito d’avril 2020 par Bruno PY — Professeur de droit privé et sciences criminelles

L’amour au temps des gestes barrières

L’heure est au confinement, à la distanciation sociale, à la prohibition des contacts. Le message tourne en boucle : saluez sans serrer la main, évitez les embrassades. La menace du virus invisible plane, la mise en garde est claire : ne touchez personne, ne vous laissez toucher par personne. Tout contact peut être fatal ; autrui est une menace et vous êtes une menace pour autrui. Les plus religieux y verront l’allégorie du baiser qui tue. Les moins religieux seront convaincus que l’enfer c’est les autres.

Et le sexe dans tout ça ? Les contacts intimes ont été abandonnés par certains partenaires habituels. De nombreuses libidos sont en bernes, inhibées par l’angoisse. Rester à plus d’un mètre de ses proches ne favorise que rarement l’expression du désir sexuel. Si la distance peut nourrir des fantasmes, elle n’aide pas à la réalisation de la bagatelle… Alors que dire des relations sexuelles hors entourage ? Il suffit d’entendre la parole des travailleurs du sexe pour comprendre que le confinement est synonyme de cessation d’activité. Lorsque chacun reste chez soi, les opportunités de relations sexuelles occasionnelles, tarifées ou pas, se font rarissimes.

Et le sexe demain ? Lorsque la pandémie finira, lorsque le déconfinement s’organisera, qu’en sera-t-il de la sexualité en général, et de l’accompagnement sexuel en particulier ? Nul ne peut prédire des lendemains qui chantent mais il est important de se souvenir que l’énergie primordiale, la force vitale, le désir sexuel, triomphent de toutes les épreuves. Le virus ne tuera pas la libido. Sans doute faudra-t-il un temps de réadaptation pour oublier la peur et désapprendre la mise à distance. Sans doute faudra-t-il surmonter quelques appréhensions et oser à nouveau. Et si cet isolement était l’occasion de revivre des premières fois, plein de joyeuses premières fois ?

« Tu peux m’ouvrir cent fois les bras C’est toujours la première fois »

(Jean Ferrat, C’est toujours la première fois, Album Potemkine, Barclay 1965)

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