«Un accompagnement militant»
par Gérald
J’étais paisiblement installé dans la voiture de tête du train qui m’emmenait dans le berceau familial, quand une jeune femme, accompagnée de ses trois enfants s’installa en face de moi. Elle brisa le silence : « Puis-je vous poser quelques questions ? » Après une réponse positive de ma part, le dialogue s’instaura entre nous. Elle me raconta sa participation à une conférence et sa rencontre avec un écrivain en situation de handicap.
« Connaissez vous Marcel NUSS ? » me lança t-elle. Je lui répondit « non », elle me raconta alors une bien belle histoire d’amour entre lui et une jeune femme nommée Jill.
Elle aborda également un drôle de sujet que je n’aurais jamais pensé entamer avec une inconnue : la sexualité des personnes en situation de handicap. Cette passionnante discussion s’acheva brutalement, car la mère et ses enfants arrivaient à destination et me laissa un peu sur ma faim… Piquée à vif, ma curiosité m’ordonna de lancer des recherches sur internet. Je suis alors tombé sur l’émission « Salut les terriens ! » de Thierry Ardisson à laquelle Marcel et Jill participaient. C’est ainsi que j’ai appris l’existence de l’accompagnement sexuel.
Malgré cette découverte, je n’étais pas prêt à faire appel à ce type de service . Ma vision négative de la prostitution était bien trop profonde et tenace : jeunes femmes exploitées, etc. La crainte de ce que penseraient mes proches était également bien trop ancrée. Je pensais décevoir ma mère, mon frère et toutes les personnes qui me sont chères, Alors Payer une femme pour obtenir ses faveurs sexuelles était pour moi inconcevable. Ce que je voulais avant tout et que je continue à vouloir c’est une véritable histoire d’amour du partage, et de complicité. Mon souhait étant de construire un foyer, une famille et être père.
Je m’interdisais de séparer ma sexualité de mes souhaits d’une vie sentimentale. Il y avait bien longtemps qu’une femme ne m’avait pas touché de manière sensuelle, caressé et fait jouir. Les seules mains, qui me touchaient, étaient celles d’une mère aimante et de soignants bienveillants. Cette absence de contacts charnels devenait difficilement supportable. Les érections étaient de plus en plus fortes, les regards sur les poitrines, les jambes et les fesses des femmes étaient plus insistants, voir incontrôlables.
Quelque chose n’allait pas chez moi, la frustration et la solitude peut être… J’essayais de me battre contre ce mal être de toutes mes forces et avec les moyens du bord contre ce désir sexuel grimpant : visualiser des films pornographiques, multiplier les tentatives sur les sites de rencontres… En vain, de déception en déception, de refus en refus, ma confiance en moi s’était volatilisé. Les sorties se faisaient rares. Je pensais que mon handicap était le frein… Cette période a été particulièrement rude. Les décès prématurés d’un membre de famille et des deux meilleurs amis d’enfance se sont ajoutés à cela. Face à cette vague je n’ai pu rien faire, je suis entré en état de dépression…
Quelque temps plus tard , je croisais une connaissance qui me fit part de son expérience avec une accompagnante sensuelle et sexuelle sur notre secteur. Son large sourire et son récit en disait long sur le bien être que cela lui a apporté. « Files-moi ton adresse je t’expliquerais comment j’ai fait» me lança t-il ! Quelques jours plus tard je recevais de sa part les coordonnées de l’association qu’il avait contacté : Association pour la promotion de l’accompagnement sexuel APPAS https://www.appas-asso.fr.
Le hasard a voulu que cette association soit celle fondée par Marcel et Jill Nuss ». Mais était-ce vraiment le hasard ? C’était troublant que dans un si court instant tout ces évènements me ramenait vers l’APPAS et l’accompagnement sexuel. Ce fut un déclic, Je me suis alors rendu sur le site et j’ai envoyé une demande d’accompagnement sexuel.
Après plusieurs semaines sans réponses, j’avais quasiment oublié ma démarche. Quand un message de l’association me confirma l’accord de l’accompagnante pour me rencontrer et me communiqua son adresse mail. Ce soir là j’étais comme un fou, excité par cette bonne nouvelle. Je n’ai pas tardé à lui envoyer un message, le rendez vous était pris dans un lieu neutre afin de faire connaissance. Ce premier rendez-vous fût important. Il a permis de fixer un cadre à l’accompagnement, d’exprimer mes attentes et de connaître les limites de l’accompagnante. J’étais également rassuré sur son libre choix d’exercer.
Lors de mon premier accompagnement, j’étais anxieux et aucun mot ne sortait de ma bouche.
Je laissais une inconnue entrer chez moi, me manipuler, me toucher, me caresser… En même temps je me posais trente six mille questions : où positionner mes mains, quelle force utiliser ? L’accompagnante, elle, était à l’aise. J’étais installé au fauteuil, elle s’etait mise sur moi et on se caressait. L’atmosphère se réchauffait et nous nous sommes dirigés vers la chambre… Il nous a fallu plusieurs « séances » pour se connaître, s’organiser et que la confiance s’installe.
Je la rencontre une fois par mois, c’est un moment privilégié pour moi. Je sors de ma routine quotidienne rythmée par les soins et le travail. Dans l’accompagnement sensuel/sexuel prendre son temps est important(et prendre son pied aussi 😉 ).
Il y a l’espace de la discussion, puis celui de la recherche de positions, du toucher doux et bienveillant. Vient ensuite le temps des caresses mutuelles qui se font plus précises, puis ensuite de(s) plaisir(s) . Est-ce terminé ? Non, il y a ce moment où l’excitation retombe laissant place au temps de l’apaisement qui se partage également peau contre peau, corps contre corps, attendant que nos respirations se synchronisent, histoire de prolonger le voyage.
Sa présence et son toucher sont si intenses que mes tracas et mes douleurs disparaissent le temps d’un instant, elle les soulage, m’aide à les contrôler, à les accepter. Je me suis reconnecté à mon corps.
L’accompagnement sensuel et sexuel a ses limites, il ne comblera jamais ce manque : le fait d’être aimé, d’être désiré sans cadre, sans transaction. C’est un travail sur soi, un cheminement qui ma redonné de l’estime et de la confiance en moi.
Mais comment cette rencontre a été possible ? Qui a traité ma demande ? Qui a formé l’accompagnante ? Comment ? Ces questions, qui se les pose ? C’est à travers mes discussions avec mon accompagnante que me sont venues ces interrogations et l’envie de connaître l’association.
A l’époque l’accompagnement ne nécessitait pas d’adhésion. Je suis devenu adhérent pour soutenir la reconnaissance de l’accompagnement sexuel pour les personnes en situation de handicap. Cette reconnaissance est importante, car la loi du 13 avril 2016 renforçant la lutte contre le système prostitutionnel, condamne fermement les relations sexuelles tarifées, donc aussi les « clients » de l’accompagnement sensuel et sexuel dont je fais parti. Combien de personnes en situation de handicap sont dans cette souffrance ? Existe-il alors un délit au bien être ?
En septembre 2019, j’ai participé à l’Assemblée Générale de l’APPAS. Cela m’a amené jusqu’à Montpellier à la rencontre de Jill, Marcel et les autres membres de l’association. J’ai été frappé par la petite taille de cette association pour un si grand sujet.
Cela demande tant d’énergie qu’il est primordial, voir vital que l’association se renforce, se renouvelle. Je suis donc devenu un membre actif au sein du Conseil d’Administration.
Cette cause de la reconnaissance de l’accompagnement sexuel en France je l’ai fait mienne depuis presque 2 ans, Même si aujourd’hui j’envisage de mettre fin à ce chapitre de ma vie, je reste profondément attaché à cette association, à ces femmes et hommes qui l’a font vivre. J’espère que d’autres reprendront la suite…pourquoi pas vous ?
En qualité de gestionnaire des réseaux sociaux et du site internet de l’APPAS, je vois des demandes de personnes en souffrance et de parents démunis devant la misère affective de leurs enfants, devenus adultes. Je suis fier d’apporter mon aide et d’avoir fait de mon accompagnement sexuel, un accompagnement militant.
Gérald accompagné et membre du conseil d’administration