Décembre 2014

Par Gwendie BONNENFANT

Quels mots seront du meilleur usage pour exprimer ce qui se dit difficilement, parfois pas du tout, parfois maladroitement. La même difficulté que rencontrent parfois le personnel professionnel accompagnant et les personnes accompagnées quand il s’agit du rapport à l’affectif, à l’intimité, à la sexualité. Souvent une sensation d’indicible face au vide qui se creuse autour du cœur et du corps.

On s’entoure alors de théories, de stratagèmes, de dispositifs, pour réparer, pallier, supporter, créer de la distance professionnelle. Quand pourrons-nous agir et être tête, corps et cœur liés. J’ai rencontré, lors d’une formation interculturelle, des éducateurs de rue mexicains. Leur pratique s’articule autour de ces notions. La tête qui nous sert à réfléchir doit nous permettre de recevoir l’information, de l’analyser, de concevoir des réponses adaptées. Le corps est présent, évoluant dans l’espace, touchant, exprimant. Le cœur tambourine sans cesse, le ressenti prend part à nos relations à l’autre, le sentiment nous guide aussi. Il s’agit alors de reconnaître ce que nous sommes et de questionner ces trois fondements sans cesse.

L’APPAS reconnaît et met en lumière les Hommes dans leur intégrité. Lorsque l’on frappe à une porte avant d’entrer, que l’on transmet son humeur matinale à la personne que l’on accompagne, qu’on le touche avec pudeur, on est Soi avec l’Autre. Il s’agit de respect et de reconnaissance mutuelles. Les conditions d’un dialogue vrai, les bases d’une relation de confiance. Trop souvent les relations sont minutées, trop souvent les questionnements refoulés. Où en sommes-nous d’ailleurs, chacun d’entre nous, avec notre propre intimité, sexualité ?

Il s’agit d’oser avoir des désirs, puis d’oser les exprimer. Nous en sommes là…

A-t-on le droit d’avoir envie de se masturber, d’acheter un DVD pornographique, de faire l’amour, de dormir avec quelqu’un ?… Sans conteste, oui. Mais alors comment oser dire, oser être sans concessions lorsque la dépendance est là ? Le désir fait partie de nous. J’ai rencontré beaucoup de gens à qui il manquait un bout d’eux-mêmes.

Dans le contexte de la vie en institution, on parle parfois « d’isomorphisme institutionnel », presqu’un gros mot ! Vivre ou travailler en collectivité amène parfois l’individu à adopter des comportements « adéquats », « adaptés », relatifs au fonctionnement d’une structure. Il en va de même par ailleurs pour la vie en société de façon plus globale.

L’APPAS propose des formations à destinations des professionnels accompagnants mais aussi des personnes désireuses de devenir accompagnantes sexuelles. Par ces actions, elle propose un vrai projet de transformation sociale, d’évolutions dans les pratiques institutionnelles, qui, je le pense, pourrait amener la société dans son ensemble à porter un regard nouveau sur la différence.

« Si le désir embellit toutes les choses sur lesquelles il se pose, le désir de l’inconnu embellit l’univers », écrit Anatole France dans Le livre de mon ami ; 1885

Désirons l’inconnu, n’ayons plus peur…

Bonnes fêtes de fin d’année à vous.