Par Laétitia REBORD
Le site internet communautaire Quintonic.fr, un réseau social s’adressant à la génération active des 50 ans et plus a interrogé ses membres au sujet de l’accompagnement sexuel des personnes en situation de handicap. Selon un sondage en ligne qu’il a mené du 5 au 13 mai auprès de 812 internautes, les trois-quarts (74 %) des répondants se prononcent pour.
Ils estiment qu’il faut légiférer en ce sens, au nom du droit pour tous à la sexualité. Pour eux, l’accès à une vie affective et sexuelle grâce à l’accompagnement sexuel permettrait un meilleur épanouissement des personnes concernées et ce moyen nécessiterait d’être reconnu et défendu.
C’est en effet un sujet important qui interpelle l’ensemble de la société et contre toute attente, l’opinion publique pourrait se montrer en faveur d’une législation en la matière.
Pendant mes interventions pour l’organisme de formation pour lequel je travaille, je tiens toujours à aborder le sujet de la vie affective et sexuelle des personnes en situation de handicap. C’est une problématique qui suscite toujours beaucoup d’intérêt. J’aime particulièrement discuter et découvrir les réactions des stagiaires sur l’accompagnement sexuel. Certains en ont déjà vaguement entendu parler mais la plupart ignorent même l’existence d’une telle pratique. Généralement, ils comprennent parfaitement le besoin, sont conscients de la frustration que peut engendrer l’immobilité du corps mais après un court instant de réflexion, ne voient pas comment il est possible de répondre à cette attente, notamment lorsque ce n’est pas compatible avec leur religion.
Dans ce cas, je demande si l’on doit priver les personnes d’une tentative de réponse parce qu’on ne trouve pas de solution en accord avec nos propres principes et valeurs, parce que notre religion l’interdit ?
Chez les personnes en situation de handicap, l’avis sur la question est souvent plutôt positif mais elles précisent régulièrement que ce n’est pas pour elles. Je m’aperçois qu’il y a, parmi les réactions, un idéalisme récurrent de découvrir le corps plaisir avec l’être aimé, la différentiation de l’amour et du sexe semble très complexe chez les français. Sexe et amour peuvent être dissociés, même si cela déplaît à certains tenants de l’ordre traditionnel de la famille et du couple. Devrait-on alors imposer l’abstinence à des personnes n’ayant pu s’insérer corporellement, en raison de leur dépendance physique ?
Comme je le dis souvent, moi aussi j’aimerais tellement connaître le plaisir charnel avec quelqu’un qui m’aime et que j’aime. Mais certains blocages en moi, dont le lourd handicap est en partie responsable, ainsi que mes occasions de rencontres actuelles, ne me permettent pas d’accéder facilement à ce schéma. Et c’est le cas de nombreuses personnes en situation de handicap.
En attendant, faut-il continuer à souffrir parce que celui ou celle qui vous aimera vous fera tout découvrir tôt ou tard ? Pas trop tard si possible, au moins avant de mourir !
Quant aux opposants à l’accompagnement sexuel, que j’aime aussi beaucoup écouter pour tenter de comprendre les raisons de leur rejet, l’argumentation est souvent similaire. Ils sont contre la marchandisation du corps, contre la prostitution, même volontaire et spécialisée, et se demandent pourquoi ce service serait uniquement proposé aux personnes en situation de handicap. Cette dernière question étant d’ailleurs, même pour moi, à l’origine de nombreuses interrogations.
Après les avoir écoutés, j’exprime mon opinion. Pourquoi vouloir empêcher une liberté quand deux individus sont éclairés, responsables et consentants ? Pourquoi refuser une forme de prostitution spécialisée quand elle est pratiquée par des personnes formées et parfaitement volontaires ? Comment interdire à deux adultes consentants le droit de se toucher, si ce n’est au nom d’une morale liberticide ?
C’est alors que l’on me rétorque que l’accompagnement sexuel est la porte ouverte aux abus sur les pauvres petits handicapés sans défense. Priver les gens d’un droit en prétextant de les protéger est une ruse bien connue des puissants. C’est ce que font les bien-pensants qui empêchent les travailleurs/euses du sexe d’exercer, ceux qui restreignent la liberté au nom de la sécurité.
Attention, je ne nie absolument pas que les abus existent malheureusement. Sur les personnes bien portantes comme en situation de handicap. Le risque zéro est un mythe, vivre est un risque permanent. Je ne veux simplement pas que l’on empêche qui que ce soit de vivre pleinement. Les accompagnants sexuels formés et encadrés sont tout sauf des prédateurs. Il n’y a pas plus humains que ces personnes-là.
Bonne nouvelle, toutes ces opinions sont le signe que le débat s’ouvre enfin. J’espère voir, de mon vivant, une France où l’accompagnement sexuel sera compris, en place et rentré dans les mœurs ! Ce jour-là, on pourra se dire que le combat de l’APPAS n’aura pas été vain.