Par Hélène LECOMTE
Faisons un effort. Imaginons que nous ne sachions quelle serait notre condition d’homme, de femme. Par-delà la question de genre, imaginons un instant, que nous ne sachions pas – a priori – quelles seraient nos conditions de vie, de réalisation. Nous songeons alors – à titre de majorité écrasante – à la condition sociale qui serait la nôtre : professionnelle, amicale, familiale…
Songerions-nous vraiment, de manière immédiate, à questionner notre niveau d’autonomie physique ? Nous servir un café, marcher dans la rue, vaquer à nos occupations… jusqu’à courir. Nous presser, d’ores et déjà mentalement, vers ce rendez-vous, que nous aurions, avec un homme, une femme.
Imaginons un instant que nos doutes, mâtinés de conformisme, nous desservent d’entrée de jeu. Car dans cet exercice mental, imaginons, nous – la majorité écrasante – que nous soyons enfermés dans cette désignation : personne en situation de handicap.
Imaginons que l’appréhension immédiate de notre corps relève de la contingence décrite plus haut, médiée par un tiers. Un assistant qui nous aide à atteindre la fourchette, à laver, lever cet amas de chair, que nous savons être le nôtre, à mesure que nous l’éprouvons de façon sourde, pesante, dans sa plus pure matérialité. Pensons alors, mû par l’exercice qui est le nôtre, en cet instant, de ce qu’il adviendra des caresses, de la tendresse, du désir que nous voudrions ressentir et susciter encore, pour lécher de la manière la plus singulière qui soit, le genre, et la sexualité auxquels nous nous rapportons.
Pierre Nazereau disait : « L’accompagnement sexuel n’est pas la solution, mais c’est une solution. » J’ai la conviction que cette solution est valable. L’accompagnement sensuel, sexuel, peut officier au même titre que ce rendez-vous, que nous avons tous attendu, espéré, au moins une fois. A la clé, pas une histoire d’amour, non. Simplement, et sans ambages, la potentialité de recouvrer un lien avec son propre corps, de modeler son intimité, par l’intermédiaire d’un autre.
Pourvu que nous puissions apprécier notre corporéité à sa juste valeur. Pourvu que nous puissions nous éprouver autrement que dans la nécessité. Nous ne sommes ni parfaits, ni parfaites. Demeurerons irrémédiablement inquiets devant les canons de genre que nous nous laissons imposer. Mais pour cette vie qui nous est à vivre, un peu de douceur, pour surplomber tout ce que nous sommes, et tout ce qui nous entoure.